Le Nil est une résurgence des Eaux primordiales qui existaient avant la création de l'univers. C'est de ces Eaux primordiales que sortirent les éléments, la vie, dont les dieux se partagent les titulatures. Cette création est centrée sur l'Egypte, traversée du sud au nord par le Nil, dont la triade éléphantine, constituée des dieux Khnoum, Satet et Anouket, contrôle les eaux, lors des inondations et des sécheresses, et qu'ils confie au dieu Hâpy, son contre-maître. Pharaon tient son pouvoir du Nil, en tant que successeur d'Osiris et d'Horus, et il est assez répandu de voir la déesse Anouket, " maîtresse de l'inondation ", donner son sein au roi dans les représentations classiques.
Ce que l'on appelle néanmoins la Vallée du Nil, débute à une centaine de kilomètres au sud du Caire, au niveau de Beni Soueif, et remonte jusqu'à Assouan et son premier barrage, au niveau de la première cataracte qui marque le début de la Nubie, dont la déesse Satet était la double protectrice. C'est aussi ce que les Egyptiens appellent le saïd, ou le " pays " dans un langage paysan, l'un des deux grands terroirs de l'Egypte avec la population du Delta. Les saïdis sont d'ailleurs la cible privilégiée des blagues des Egyptiens, leur bonne humeur aidant les habitants des villes à se permettre ces privautés depuis des siècles.
Deux grandes villes administratives, Minia et Assiout, se sont développées sur les rives du fleuve. Après Le Caire, elles sont les plus grandes villes universitaires du pays. Les villes de Beni Soueif, Sohag, Mellawi et Qena sont de grands centres urbains du Nil. Quant aux villes touristiques comme Abydos, Louxor, Esna, Edfou, Kom Ombo et Assouan, elles sont particulièrement peu étendues par rapport aux précédentes.
Peut-on encore dire que " la vie est immuable " le long du Nil, dans les villages où vivent entre 5 000 et 10 000 habitants ? En un certain sens, oui : l'agriculture est toujours l'activité professionnelle de la majorité de la population, et certaines techniques de production agricole peuvent être centenaires chez les plus traditionnels, même si les pompes automatiques ont remplacé les chadoufs. En un certain sens, non : le Nil a changé et n'apporte plus de limons depuis la création du haut-barrage d'Assouan, et la jeunesse aspire de plus en plus à rejoindre les villes et à travailler dans le secteur tertiaire. Ceux qui restent le long du Nil, conservent la prestance du fellah, travaillant la terre ou la faisant visiter aux touristes, et leur tenue traditionnelle reste celle qu'ils affectionnent particulièrement.
A la nuit tombée, le spectacle millénaire se joue quotidiennement, les felouques décrochent leurs majestueuses voiles obliques. Il ne reste plus en scène qu'un ruban métallique sous les reflets de la lune, qui s'enfuit dans la pénombre. Les pêcheurs, campés dans leurs barques étroites, choisissent ce moment privilégié pour attirer dans leur filet le poisson au son du tam-tam. C'est le moment de s'arrêter, aussi, après une journée riche en visites, et de contempler le Nil et sa vallée.